Quisont les 1 038 compagnons de la LibĂ©ration ? Une vĂ©ritable armĂ©e de l'ombre, parmi les premiers Français Ă  trouver refuge Ă  Londres, suite Ă  Quelque2.400 Australiens ont commĂ©morĂ©, ce mardi au cimetiĂšre militaire du village de Fromelles (Nord), le centenaire de la bataille qui causa la mort de plus de 5000 de leurs compatriotes les Elledoit permettre le partage des principes et valeurs de la RĂ©publique que sont la laĂŻcitĂ©, la libertĂ©, l’égalitĂ©, la fraternitĂ© et le refus de toutes les discriminations. Dans un contexte de rĂ©affirmation de ces valeurs (Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la RĂ©publique – annonce des 11 mesures du 22 janvier 2015), le PrĂ©sident de la RĂ©publique a souhaitĂ© EnfĂ©vrier 1879, La Marseillaise reçoit de la RĂ©publique le statut d’hymne national. DĂšs lors, la question de son usage se pose en des termes particuliĂšrement difficiles pour les socialistes français qui la chantaient jusque lĂ  sans trouble de conscience. Elle touche en effet Ă  leur rapport thĂ©orique Ă  la RĂ©publique et Ă  la nation, qui est marquĂ© par des ambiguĂŻtĂ©s Jai reçu un avis favorable pour la naturalisation Française, mon nom est apparu dans le journal officiel ( JO) du 12/03/2017. Et Ă  ce jour ( 24/04/2017) j’attends toujours d’ĂȘtre Comprendreun reportage radiophonique. Choisissez un des exercices en ligne du dossier « 14-18 : une sociĂ©tĂ© qui change » et invitez les apprenants Ă  rĂ©flĂ©chir sur la guerre et ses consĂ©quences sur la sociĂ©tĂ© du XXe siĂšcle : - 14-18 : l’évolution de la place des femmes. - 14-18 : les dĂ©buts du jazz en France. dBOO. Un vrai scandale comme les aime la presse parisienne. L’un de ceux qui accentue le divorce artificiel entre les Ă©lus et l’opinion dominante. L’un de ceux que l’on pourra gonfler Ă  loisir grĂące Ă  un petit sondage de derriĂšre les fagots du poujadisme ordinaire. La recette est toujours la mĂȘme on part d’un fait courant de la vie publique et grĂące Ă  un bon communiquĂ© de presse ou une dĂ©claration opportune on le transforme en Ă©vĂ©nement polĂ©mique
 Des millions d’autres faits absolument identiques, dans des contextes similaires auront Ă©tĂ© passĂ©s sous silence mais lĂ  on va chercher Ă  crĂ©er un courant dĂ©favorable autour d’une personnalitĂ© que l’on sait fragilisĂ©e dans la sociĂ©tĂ© bien pensante. On appelle ça maintenant du bashing ou de la battue » organisĂ©e afin de renforcer sans cesse les sentences faites certains grands » journalistes dont la seule investigation repose sur l’introspection de leur ego sur-dimensionnĂ©. C’est ainsi que, grĂące aux dĂ©clarations du premier adjoint du XVII° arrondissement de Paris » sic les mĂ©dias nationaux et mĂȘme internationaux viennent de relever une faute grave pouvant conduire Ă  la dĂ©mission du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ! Elle a Ă©tĂ© d’ailleurs immĂ©diatement rĂ©clamĂ©e par le
 Front national. Le scandale enfle Christiane Taubira n’aurait pas mĂȘlĂ© sa voix au chant de la Marseillaise lors de la cĂ©rĂ©monie marquant l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Non, elle n’est pas digne de reprĂ©senter notre Nation et sa Constitution», clame le patriote Geoffroy Boulard, premier adjoint UMP au maire du XVIIe arrondissement de Paris, sur son blog, demandant Ă©galement la dĂ©mission de Mme Taubira». AussitĂŽt on lĂąche les tweets qui font monter la pression. DĂ©rapage de Taubira sic. Notez le mĂ©pris de la formule! comparant la Marseillaise Ă  un karaokĂ© d’estrade, refusant de la chanter Valls doit annoncer son limogeage», a aula rĂ©agi Mme Marine Le Pen. Il en va de l’honneur de la France et de son peuple», a simplement dĂ©noncĂ© la PrĂ©sidente du F N dans un autre communiquĂ©, estimant que la France vaut mieux que Taubira». C’est parti avec le relais des chaĂźnes de radio et des chaĂźnes de tĂ©lĂ© perroquets qui auront vite ressassĂ© les positions du FN confortĂ©es par celles que ne manqueront pas d’amplifier des UMP en mal de notoriĂ©tĂ© avant les EuropĂ©ennes. D’un Ă©vĂ©nement de valeur planĂ©taire la fin de l’esclavage autour d’une vraie mesure pour l’égalitĂ©, la fraternitĂ© et la libertĂ© de l’Homme au sens le plus grand du terme, dĂ©nigrĂ© par des Ă©lus du FN et passĂ© sous silence par des Ă©lus UMP peu pressĂ©s de s’y associer, on fait une polĂ©mique. Par contre on oublie trĂšs vite que si Christiane Taubira a Ă©tĂ© muette, d’autres on a beaucoup parlĂ© avant et aprĂšs cette commĂ©moration. Le maire FN de la ville de rĂ©sidence des Dumas PĂšre et fils avait par exemple annoncĂ© avec conviction qu’il ne l’organiserait pas, voulant rompre avec une auto-culpabilisation permanente ». L’an dernier, Marine Le Pen jugeait elle, sans soulever de tempĂȘte, dĂ©jĂ  que la France n’était pas la seule nation Ă  avoir commis ces erreurs-lĂ  » et estimait qu’on ne parlait pas beaucoup de l’esclavage arabo-musulman ». Quelle valeur donnent-ils ces gens-lĂ  et leurs acolytes Ă  la Marseillaise chant d’émancipation et de rĂ©volution ? Probablement la mĂȘme que Thierry Mariani, dĂ©putĂ© UMP chanteur Ă©mĂ©rite de la Marseillaise sur les estrades lui a pu sans trop de problĂšme dĂ©clarer »L’enlĂšvement par la secte Boko Haram rappelle que l’Afrique n’a pas attendu l’Occident pour pratiquer l’esclavage. » Ce tweet Ă©tait conclu par le mot-clĂ© dĂ©culpabilisation ». C’est un vrai humaniste patriote lui car il connaĂźt les couplets de l’hymne national comme dĂ©putĂ© reprĂ©sentant des Français accueillis comme travailleurs ou rĂ©sidents dans les pays d’Asie, d’OcĂ©anie et d’Europe de l’Est ! Les enfants de la Patrie » il les connaĂźt bien mieux que Christiane Taubira et lui il peut les chanter ! Et en plus cette femme a le tort de rĂ©pondre franchement, librement et crĂąnement ! En fait cette polĂ©mique est absolument l’illustration du dĂ©goĂ»t que les gens sincĂšres peuvent avoir vis Ă  vis de la maniĂšre dont on rend compte de la vie politique. Jamais d’analyse de fond ! Jamais de travail d’explication rĂ©elle ! Jamais de recul ! Tout est fait pour creuser un fossĂ©, un prĂ©cipice entre les valeurs essentielles et l’apprĂ©ciation que doit avoir le Peuple. Est-on un vrai dĂ©fenseur de la France en chantant la Marseillaise ? Est-on vraiment rĂ©publicain quand on hurle dans un stade ou un meeting du FN l’hymne national devenu nationaliste ? Est-on certain que la plus respectable des personnes est elle celle qui ouvre les lĂšvres en play-back sur une estrade et celle qui se recueille sur le sens de la cĂ©rĂ©monie Ă  laquelle il participe ? Qui peut dĂ©livrer des brevets de citoyennetĂ© Ă  partir d’un talent de chanteuse ou de chanteur ? La Marseillaise on l’a dans les tripes et dans le cƓur et pas forcĂ©ment dans les apparences officielles. La Marseillaise on la fait vivre par ses actes et ses propos. Ce contenu a Ă©tĂ© publiĂ© dans COUP DE GUEULE, avec comme mots-clĂ©s actes, esclavage, Le Pen, Mariani, Marseillaise, Taubira. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien. Quelle est la signification des paroles de la Marseillaise ? L’ Ă©tendard sanglant levĂ© » est une mĂ©taphore de la rĂ©volte des citoyens qui souffrent. Le refrain reprend alors le lexique de la guerre, contexte dans lequel le chant a Ă©tĂ© Ă©crit aux armes! », formez vos bataillons », sont les exhortations de Rouget de Lisle. Pourquoi La Marseillaise est l’hymne national ? En juillet de la mĂȘme annĂ©e, des troupes venues de Marseille entrent dans Paris, et chantent Ă  pleine voix le Chant de guerre pour l’armĂ©e du Rhin. Les Parisiens n’en connaissent pas le nom, mais savent qui le chantent des Marseillais . La Marseillaise Ă©tait baptisĂ©e, et deviendra hymne national le 14 juillet 1795. Quels sont les paroles de l’hymne national français ? Amour sacrĂ© de la Patrie Conduis, soutiens nos bras vengeurs LibertĂ©, LibertĂ© chĂ©rie Combats avec tes dĂ©fenseurs ! x2 Sous nos drapeaux, que la victoire Accoure Ă  tes mĂąles accents Que tes ennemis expirants Voient ton triomphe et notre gloire ! Quel Ă©tait l’hymne national français avant la Marseillaise ? IntitulĂ© Chant de Guerre pour l’ArmĂ©e du Rhin, ce chant est popularisĂ© Ă  Paris par des soldats marseillais qui lui donnent son nouveau nom. Qui est l’ennemi dans La Marseillaise ? Dans ce contexte originel, La Marseillaise est un chant de guerre rĂ©volutionnaire, un hymne Ă  la libertĂ©, un appel patriotique Ă  la mobilisation gĂ©nĂ©rale et une exhortation au combat contre la tyrannie et l’invasion Ă©trangĂšre. Comment Appelle-t-on les soldats français dans La Marseillaise ? Les combattants sont appelĂ©s “citoyens” “dĂ©fenseurs”. Quel est le titre original de la Marseillaise ? Origine du titre. Elle porte initialement diffĂ©rents noms, tous Ă©phĂ©mĂšres Chant de guerre pour l’armĂ©e du Rhin ; Chant de marche des volontaires de l’armĂ©e du Rhin. Qui a Ă©crit l’hymne national français ? La Marseillaise est l’ Hymne national de la France. C’était un chant patriotique de la rĂ©volution française, qui a Ă©tĂ© adoptĂ© en tant qu’ Hymne national en 1795. La Marseillaise a Ă©tĂ© composĂ©e par Rouget de Lisle. Quel est le refrain de la Marseillaise ? Aux armes, citoyens, Formez vos bataillons, Marchons, marchons ! Abreuve nos sillons ! Quel pays n’a pas d’hymne national ? La Grande-Bretagne n’a pas officiellement d’ hymne national . Quels sont les couplets de la Marseillaise ? La Marseillaise 15 couplets I. Allons enfants de la Patrie, 
 II. Que veut cette horde d’esclaves, 
 III. Quoi ! 
 IV. Tremblez, tyrans et vous perfides. 
 V. Français, en guerriers magnanimes, 
 VI. Couplet souvent seul retenu aujourd’hui aprĂšs le premier 
 VII. Couplet des enfants 
 VIII. Quelle est la diffĂ©rence entre un hymne et une hymne ? Il peut ĂȘtre fĂ©minin Hymne est fĂ©minin lorsqu’il dĂ©signe un chant solennel qui fait partie de l’office ou accompagne certaines processions dans l’Église latine et les Églises d’Orient. Les hymnes sont des chants ou des poĂšmes composĂ©s en l’honneur de Dieu, de la Vierge Marie ou de Saints. Comment s’appelle la Marseillaise au moment de sa crĂ©ation ? Comment s’appelait la Marseillaise au moment de sa crĂ©ation par Rouget de Lisle ? Le Chant de guerre pour l’armĂ©e du Rhin. femmes et enfants fuyant le dernier bastion du groupe jihadiste Etat islamique, le 22 fĂ©vrier 2019 dans la province syrienne de Deir ez-Zor. Photo AFP / Delil SOULEIMAN Le rĂŽle des femmes jihadistes est traditionnellement sous-estimĂ©. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, le groupe Etat islamique EI a changĂ© les rĂšgles du jeu », estime Lydia Khalil, experte en terrorisme Ă  l’Institut d’études australien Lowy. Elles se disent simples mĂšres au foyer », déçues » ou repenties » du jihad mais pour leurs pays d’origine, qui refusent de les voir revenir, les femmes du califat » moribond demeurent avant tout des militantes potentiellement trĂšs dangereuses. Loin du clichĂ© des Ă©pouses de jihadistes dupĂ©es », endoctrinĂ©es ou forcĂ©es », elles ont Ă©tĂ© appelĂ©es Ă  combattre ou Ă  participer Ă  l’organisation d’attaques terroristes », Ă©crit Lydia Khalil dans une analyse parue mardi, alors que Londres et Washington s’opposent avec fracas au retour de deux jeunes femmes, Shamima Begum et Hoda Muthana, aux tĂ©moignages trĂšs mĂ©diatisĂ©s. Et quand elles sont restĂ©es Ă  l’écart de la violence et des atrocitĂ©s commises au nom de l’EI, les femmes jihadistes ont occupĂ© une place importante aux yeux du groupe par l’éducation des enfants. Ce qu’on attend d’elles, c’est la pĂ©rennisation de l’idĂ©ologie par l’éducation », au sein du califat ou de façon souterraine » dans leur pays, considĂšre AmĂ©lie Chelly, spĂ©cialiste des islams politiques Ă  l’Ecole des hautes Ă©tudes en sciences socialesEHESS Ă  Paris. Cette idĂ©ologie, au contenu extrĂȘmement antisystĂšme, antisĂ©mite, anti +mĂ©crĂ©ance+, anti +faux musulmans+ », prĂ©existait Ă  l’EI qui n’a fait que l’amplifier, dit-elle Ă  l’AFP. Depuis l’offensive des Forces dĂ©mocratiques syriennes FDS, alliance arabo-kurde appuyĂ©e par une coalition internationale sous commandement amĂ©ricain, prĂšs d’un millier d’étrangers soupçonnĂ©s d’appartenance Ă  l’EI ont Ă©tĂ© fait prisonniers. Militantes acharnĂ©es » Les femmes et plus de enfants de jihadistes, issus de 30 pays, ont envoyĂ©s vers des camps de dĂ©placĂ©s dans le Nord-Est syrien, sous contrĂŽle des FDS. Parmi la vingtaine de femmes françaises dĂ©tenues dans un camp, au moins sept ou huit sont rĂ©pertoriĂ©es comme extrĂȘmement dangereuses », relĂšve une source française proche du dossier. Ce sont des militantes acharnĂ©es de Daech acronyme arabe de l’EI, le cas Ă©chĂ©ant faisant rĂ©gner l’ordre dans le camp contre celles qui ne respectent pas la charia », affirme cette source. Lire aussi Des femmes Ă©vacuĂ©es de l’ultime rĂ©duit de l’EI en Syrie vantent le califat » AprĂšs avoir longtemps plaidĂ© pour leur jugement sur place, la France n’exclut plus de rapatrier ses ressortissants devant leur risque de dispersion » lorsque le retrait des 2000 soldats amĂ©ricains stationnĂ©s dans le nord-est syrien sera engagĂ©. Prendre la responsabilitĂ© de les faire revenir est Ă©norme. C’est un vrai risque », concĂšde la source proche du dossier Ă  Paris, craignant qu’il ne soit compliquĂ© de les juger en Europe et de les condamner au-delĂ  de quelques annĂ©es. La justice des pays occidentaux est particuliĂšrement mal armĂ©e pour juger des femmes dont le rĂŽle, difficilement quantifiable, aura Ă©tĂ© surtout idĂ©ologique, notamment dans les unitĂ©s de police religieuse. Nombre de familles rĂ©clament de leur cĂŽtĂ© le retour de filles ou de soeurs afin qu’elles soient jugĂ©es Ă©quitablement dans leur pays et renouent avec d’autres valeurs. Lire aussi 40 camions Ă©vacuent hommes, femmes et enfants du rĂ©duit de l’EI Familles jihadophiles » Mais pour les familles +jihadophiles+ Ă  la Merah auteur d’attentats contre des enfants juifs et des militaires en 2012, ndlr quand vous n’avez aucune autre valeur que ce discours-lĂ  depuis le berceau, c’est extrĂȘmement rare d’en sortir », anticipe AmĂ©lie Chelly. Contrairement aux idĂ©es reçues, les femmes ont aussi souvent Ă©tĂ© moteur dans la radicalisation d’un conjoint, d’un fils ou d’un frĂšre, note la chercheuse de l’EHESS, en rappelant le cas d’AmĂ©dy Coulibaly, auteur de l’attaque de l’Hyper Cacher en janvier 2015 Ă  Paris et de sa compagne Hayat Boumedienne, partie ensuite en Syrie. Pour le sociologoque Farhad Khosrokhavar, il faut toutefois faire la distinction entre les repenties, les endurcies, les indĂ©cises et les traumatisĂ©es ». Et mĂȘme s’il n’existe pas de modĂšle Ă©tabli pour la dĂ©radicalisation, on ne peut pas ne pas la tenter ». Les revenantes », une fois incarcĂ©es et jugĂ©es dans leur pays d’origine, vont aussi poser un autre problĂšme. Aucune femme ne s’était encore radicalisĂ©e en prison », souligne GĂ©raldine Casutt, spĂ©cialiste suisse du jihad fĂ©minin, dans une interview Ă  la chaĂźne France 24. L’administration pĂ©nitentiaire s’inquiĂšte dĂ©sormais d’une potentielle radicalisation fĂ©minine au sein des prisons françaises », pointe-t-elle. Au XIXe siĂšcle, utiliser le français marque un statut social, tandis que le peuple parle les langues rĂ©gionales. Avec les enfants de son Ăąge JaurĂšs parle occitan sauf Ă  l’école oĂč on fait la chasse aux patois ». JaurĂšs n’emploie pas les termes Occitanie » ou occitan », mais Midi » et langue mĂ©ridionale ». Il utilise souvent le terme de patois » trĂšs utilisĂ© alors, terme qu’il mettra bientĂŽt entre guillemets. Il est Ă©lu dĂ©putĂ© du Tarn en 1885. C’est alors un rĂ©publicain modĂ©rĂ© d’éducation bourgeoise et trĂšs religieuse. Il affirme combattre les socialistes qui veulent remuer les pavĂ©s et les barricades et faire couler le sang des Français ». Il va dĂ©couvrir le monde des mineurs puis, enseignant Ă  l’universitĂ© de Toulouse, le prolĂ©tariat urbain. A Carmaux, se succĂšdent grĂšves et rĂ©pressions des mineurs et des verriers. C’est dans les annĂ©es 1889-1892 que JaurĂšs vient aux idĂ©es socialistes et se rĂ©clame du socialisme collectiviste et communiste qui veut transformer la propriĂ©tĂ© capitaliste en propriĂ©tĂ© socialiste ». Il a acquis la conviction que les prolĂ©taires sont seuls capables de se battre pour autre chose que pour eux-mĂȘmes, pour dĂ©saliĂ©ner toute la sociĂ©tĂ©. Et il parle ainsi des gens du Midi Nul n’a plus de respect que moi pour ces populations vaillantes qui depuis si longtemps luttent pour la RĂ©publique elles l’ont soutenue de leur vote aux heures difficiles ; elles l’ont soutenue de leur sang et de leur libertĂ© aux heures tragiques ; peu de rĂ©gions de France ont comptĂ© plus de combattants de l’idĂ©e rĂ©publicaine et plus de proscrits » la dĂ©pĂȘche du 18 mars 1897. Attachement Ă  la langue d'oc A cette Ă©poque, l’Eglise utilise les langues rĂ©gionales dans ses prĂȘches pour combattre les idĂ©es rĂ©publicaines, en particulier lors de la sĂ©paration des Eglises et de l’Etat. Certains, comme les radicaux, font alors l’amalgame entre cultures rĂ©gionales et idĂ©es rĂ©actionnaires. JaurĂšs a lu les troubadours et les auteurs occitans de son Ă©poque Mistral, Aubanel, FourĂšs
 Mais, enseignant de la IIIe RĂ©publique, il privilĂ©gie le français, avant d’affirmer son attachement Ă  la langue d’Oc. J’ai le goĂ»t le plus vif pour la langue et pour les Ɠuvres de notre Midi, du Limousin et du Rouergue au Languedoc et Ă  la Provence. J’aime entendre notre langue et j’aime la parler. Dans les rĂ©unions populaires les paysans et les ouvriers 
 aiment bien quand on leur a parlĂ© en français, qu’on s’adresse aussi Ă  eux dans notre langue du Midi. Cela crĂ©e entre celui qui parle et ceux qui Ă©coutent une intimitĂ© plus Ă©troite » la dĂ©pĂȘche du 27 septembre 1909. Pour lui, il faut partout reconnaitre et accepter la diversitĂ© ethnique, donc dĂ©fendre les cultures minoritaires qu’un Etat centralisateur s’efforce de gommer. Politiquement, il dĂ©fend aussi bien le pluralisme culturel des pays du Maghreb qu’il demande le dĂ©veloppement des cultures rĂ©gionales en France. La langue occitane doit ĂȘtre enseignĂ©e Pourquoi ne pas profiter de ce que la plupart des enfants de nos Ă©coles connaissent et parlent encore ce qu’on appelle d’un nom grossier le patois ». Ce ne serait pas nĂ©gliger le français ce serait le mieux apprendre, au contraire que de comparer familiĂšrement dans son vocabulaire, dans sa syntaxe, dans ses moyens d’expression avec le languedocien et le provençal. Ce serait, pour le peuple de la France du Midi, le sujet de l’étude linguistique la plus vivante, la plus familiĂšre, la plus fĂ©conde pour l’esprit. Par lĂ  serait exercĂ©e cette facultĂ© de comparaison et de discernement, cette habitude de saisir entre deux objets voisins les ressemblances et les diffĂ©rences, qui est le fond mĂȘme de l’intelligence. » Ce serait, pour les Ă©lĂšves, la rĂ©vĂ©lation que tout subsiste et que tout se transforme. Le parler de Rome a disparu, mais il demeure jusque dans le patois de nos paysans comme si leurs chaumiĂšres Ă©taient bĂąties avec les pierres des palais romains. 
 Il serait facile aux Ă©ducateurs, aux maĂźtres de nos Ă©coles de montrer comment aux XIIe et XIIIe siĂšcles, le dialecte du Midi Ă©tait un noble langage de courtoisie, de poĂ©sie et d’art ; comment il a perdu le gouvernement des esprits par la primautĂ© politique de la France du Nord, mais que de merveilleuses ressources subsistent en lui ! » la dĂ©pĂȘche du 15 aoĂ»t 1911 Au coeur du dĂ©bat les langues rĂ©gionales Il s’exprime Ă  nouveau dans la Revue de l’enseignement primaire du 15 octobre 1911 J’ai Ă©tĂ© frappĂ© de voir, au cours de mon voyage Ă  travers les pays latins que, en combinant le français et le languedocien, et par une certaine habitude des analogies, je comprenais en trĂšs peu de jours le portugais et l’espagnol. J’ai pu lire, comprendre et admirer au bout d’une semaine les grands poĂštes portugais. Dans les rues de Lisbonne, en entendant causer les passants, en lisant les enseignes, il me semblait ĂȘtre Ă  Albi ou Ă  Toulouse. Si, par la comparaison du français et du languedocien ou du provençal, les enfants du peuple, dans tout le Midi de la France, apprenaient Ă  trouver le mĂȘme mot sous deux formes un peu diffĂ©rentes, ils auraient bientĂŽt en main la clef qui leur ouvrirait, sans grands efforts, l’italien, le catalan, l’espagnol, le portugais. Et ils se sentiraient en harmonie naturelle, en communication aisĂ©e avec ce vaste monde des races latines, qui aujourd’hui, dans l’Europe mĂ©ridionale et dans l’AmĂ©rique du Sud dĂ©veloppe tant de forces et d’audacieuses espĂ©rances. Pour l’expansion Ă©conomique comme pour l’agrandissement intellectuel de la France du Midi, il y a lĂ  un problĂšme de la plus haute importance, et sur lequel je me permets d’appeler l’attention des instituteurs. » On ne peut que s’étonner, en cette annĂ©e marquant le centenaire de la disparition de Jean JaurĂšs, que ceux qui se proclament ses hĂ©ritiers n’aient pas encore ratifiĂ© la Charte europĂ©enne des langues minoritaires. La France est Ă  ce jour un des rares pays Ă  ne pas reconnaĂźtre les langues rĂ©gionales comme faisant partie du patrimoine culturel de l’Europe. Raymond BIZOT Texte intĂ©gral 1Si beaucoup d’intellectuels, d’écrivains et d’artistes français purent Ă©migrer temporairement, contrairement Ă  leurs confrĂšres allemands en AmĂ©rique du Nord, essentiellement aux États-Unis, il y en eut peu en AmĂ©rique latine. Mais ils s’engagĂšrent souvent activement aux cĂŽtĂ©s de la RĂ©sistance extĂ©rieure et eurent une action notable qui ne fut pas sans retentissement sur certains transferts importants, notamment culturels, d’aprĂšs-guerre. 1 LĂ©vi-Strauss C., Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955 rééd. 1984, p. 22. 2Ils furent en effet quelques poignĂ©es, face aux centaines d’écrivains et artistes exilĂ©s en AmĂ©rique du Nord, qui choisirent l’AmĂ©rique latine pendant la Seconde Guerre mondiale comme lieu d’exil ou de refuge. Aucune grande association de secours comme l’ERC, Emergency Rescue Committee, aux États-Unis ne favorisa leur migration. Leur exil, au regard de celui de leurs confrĂšres aux États-Unis, paraĂźt bien singulier, unique, Ă  chaque fois. Aucun bateau, comme celui que dĂ©crivit Claude LĂ©vi-Strauss dans Tristes Tropiques, ne transporta en un insolite et cruel voyage scientifiques de haut vol et poĂštes illustres transformĂ©s parfois en pathĂ©tique ours bleu, tel AndrĂ© Breton1. Non, l’exil latino-amĂ©ricain des crĂ©ateurs français fut individuel, Ă©trange alchimie du choix et du destin. Pourtant, il fut prĂ©cieux pour la RĂ©sistance extĂ©rieure. Car la France Libre manqua Ă  ses dĂ©buts de l’appui de personnalitĂ©s d’importance et celles qui s’engagĂšrent pour elle en AmĂ©rique latine, parfois cĂ©lĂšbres, menĂšrent une action non nĂ©gligeable. Ce fut le cas de Georges Bernanos, de Roger Caillois et, Ă  sa façon, de Jules Supervielle. Jules Romains, Paul Rivet, Jacques Soustelle, Benjamin PĂ©ret, Paul BĂ©nichou choisirent aussi l’AmĂ©rique latine et se placĂšrent dans le camp de la RĂ©sistance extĂ©rieure. 3ExilĂ©s ou rĂ©fugiĂ©s ? Sauf dans le cas de Paul BĂ©nichou, que les lois antisĂ©mites contraignirent Ă  quitter la France en 1942 pour se rĂ©fugier en Argentine, tout commença pour les autres intellectuels comme un exil. À partir du moment oĂč ils se prononcĂšrent contre l’hitlĂ©risme, ils furent aussi, en quelque sorte, des rĂ©fugiĂ©s. D’autres positions que l’engagement aux cĂŽtĂ©s du gĂ©nĂ©ral de Gaulle Ă©taient possibles Saint-John Perse, le » poĂšte d’élection de Roger Caillois Ă©tait antigaulliste, proche de Roosevelt, Saint-ExupĂ©ry Ă©tait antigaulliste, AndrĂ© Breton resta trotskyste, ni pro ni antigaulliste. 4Dans nombre de pays d’AmĂ©rique latine, il existait en effet, surtout en Argentine, des communautĂ©s françaises qui n’étaient pas insignifiantes. QuantitĂ© de ces immigrĂ©s venaient du sud de la France. Au Mexique, en AmĂ©rique centrale, on parlait des Barcelonnettes, qui Ă©taient issus de Provence. Beaucoup, au Mexique et en Argentine, notamment, s’intĂ©grĂšrent Ă  leur pays d’accueil. C’était le constat que faisait Georges Denicker, consul de France Ă  Rosario, dans une note Ă  l’amiral de La Flotte, ministre des Affaires Ă©trangĂšres Ă  Vichy, le 1er mars 1941 2 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, AmĂ©rique, Argentine, dossier 144/1. L’Argentine est un pays accueillant oĂč le fils de Français naĂźt argentin, oublie la langue de son pĂšre, nĂ©glige presque toujours de se faire immatriculer et bien souvent de rĂ©pondre Ă  son ordre d’appel. Avant de porter contre ces Français lointains un jugement sĂ©vĂšre, il conviendrait de se demander si tout a Ă©tĂ© fait pour garder le contact avec eux, pour leur faire connaĂźtre la France, pour la leur faire aimer2. » 3 Au BrĂ©sil comme en Argentine, ces comitĂ©s Ă©taient souvent constituĂ©s de petits employĂ©s, d’artisa ... 5Cependant, nombre de Français d’AmĂ©rique latine restĂšrent attentifs Ă  la situation de leur pays d’origine pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans diffĂ©rents pays, des comitĂ©s en faveur de la France Libre nommĂ©s comitĂ©s France Libre ou comitĂ©s de Gaulle se constituĂšrent, parfois autour d’amicales d’anciens combattants. Selon le Journal officiel de la France combattante du 28 aoĂ»t 1942, quatre cents comitĂ©s existaient Ă  cette Ă©poque. Trois cents se trouvaient en AmĂ©rique du Sud et centrale. Il y en avait quinze au BrĂ©sil, trente-deux au Mexique, quarante en Argentine3. 4 Voir dans ce volume la contribution de Anfrol M., Les discours et messages du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, ... 5 Voir dans ce volume la contribution de Belot R., Les comitĂ©s de la France Libre en AmĂ©rique latin ... 6 Voir dans ce volume la contribution de Dumont-Quessard J., La dĂ©faite de 1940 une Ă©tape dans la ... 6Ces comitĂ©s, souvent composĂ©s de Français modestes, s’efforçaient de soutenir la France Libre, de propager des informations sur elle, sur la RĂ©sistance en France, de diffuser les discours du gĂ©nĂ©ral de Gaulle4 et de lutter contre l’influence de Vichy, de ses institutions culturelles, comme l’Alliance française. Brochures, bulletins, kermesses, Ɠuvres multiples collectes de fonds, envois de soldats, expĂ©ditions de colis, etc. contribuaient Ă  servir la cause de la France Libre5. Ces rĂ©seaux parfois trĂšs actifs s’appuyaient en outre, en AmĂ©rique latine, sur une francophilie encore active, malgrĂ© la montĂ©e en puissance des États-Unis et d’une certaine amĂ©ricanitĂ©6. Ils devaient en outre affronter plus ou moins directement, dans certains États, la propagande nazie vĂ©hiculĂ©e par les fortes implantations allemandes. Ils faisaient circuler entre eux l’information venue de Londres et y envoyaient les articles servant leur cause, tels ceux de Georges Bernanos. 7Quelle Ă©tait la situation des pays oĂč Georges Bernanos, Roger Caillois et Jules Supervielle vĂ©curent pendant la Seconde Guerre mondiale ? Tour d’horizon de l’AmĂ©rique latine Au BrĂ©sil 7 Mauro F., Histoire du BrĂ©sil, Paris, Éditions Chandeigne, 1994, p. 127. 8 Ollivier L’AmĂ©rique du Sud et la France libre », Espoir, n° 114, janvier 1998, p. 11-12. 9 Un journal nazi de langue allemande, Deutscher Morgen, propageait l’hitlĂ©risme. Les manifestations ... 8Devenu dictateur en 1937 aprĂšs avoir Ă©tĂ© prĂ©sident constitutionnel, Getulio Vargas exerça une censure sĂ©vĂšre, supprima les partis, institua une police politique. Cet exercice du pouvoir le fit assimiler aux dirigeants des pays de l’Axe7. Les comitĂ©s de la France Libre, notamment le comitĂ© central » de Rio de Janeiro, furent alors surveillĂ©s et durent agir de maniĂšre assez souterraine. Mais lorsque le BrĂ©sil entra en guerre aux cĂŽtĂ©s des États-Unis, le 22 aoĂ»t 1942, les comitĂ©s purent s’exprimer au grand jour. Une certaine partie du peuple brĂ©silien, la majoritĂ© des Français du BrĂ©sil, nombre de ressortissants europĂ©ens et les responsables des pays alliĂ©s appuyaient la cause de la France Libre. La presse y Ă©tait gĂ©nĂ©ralement favorable. Certains, tels Costa RĂ©go, rĂ©dacteur en chef du Correio da Manha, demandaient rĂ©guliĂšrement la reconnaissance de la France Libre8. Bernanos accusait les notables d’origine française, nommĂ©s les Quarante, d’ĂȘtre littĂ©ralement pourris par Gringoire et surtout l’Action Française ». Le ComitĂ© central de la France Libre Ă©tait prĂ©sidĂ©, dit Philippe Soupault dans un rapport, avec autoritĂ© par M. Rendu [qui] agit avec efficacitĂ© et dignitĂ© ». Un bulletin ronĂ©otypĂ© hebdomadaire, de langue française, France libre, fut publiĂ© Ă  partir du 31 mars 1941, Ă  3 000 exemplaires. Une brochure en langue portugaise lui fut adjointe9. En Argentine 10 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Londres CNF, Argentine 18GMII/323. 11 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Londres CNF, Argentine 18GMII/408 ; Rolland D., Politique, cultu ... 9Les Français Ă©taient Ă  cette Ă©poque 45 Ă  50 000 dont 14 Ă  15 000 Ă  Buenos Aires, moins nombreux cependant que les Allemands qui, eux, demeuraient souvent en relations Ă©troites avec le Reich. Sur 800 appelĂ©s français, 690 furent portĂ©s insoumis » lors de la mobilisation française. Les Français d’Argentine travaillaient dans tous les secteurs de la vie Ă©conomique du pays, le commerce et les finances notamment. Albert GuĂ©rin, l’animateur du comitĂ© de Gaulle, Ă©tait le prĂ©sident de la Chambre de commerce française de Buenos Aires. PrĂ©sident de l’Association des Anciens Combattants français d’Argentine, cet homme dont le CNF dit qu’il possĂ©dait une intelligence rapide et comprĂ©hensive, [un] esprit juste », qu’il avait les dĂ©fauts de ses qualitĂ©s », trop franc, autoritaire et despotique » pour d’autres, faisait preuve dans le bulletin de son comitĂ© d’un lyrisme enflammĂ© qui le faisait taxer aussi d’ excellent prĂ©sident de ComitĂ©, probablement le plus complet que nous ayons Ă  l’étranger10 ». La communautĂ© française d’Argentine, qui avait gardĂ© parfois certaines habitudes hexagonales, parlait souvent, surtout dans les milieux assez modestes, un français trĂšs altĂ©rĂ© ou argotique, oĂč les hispanismes abondaient. C’étaient ces personnes – petits commerçants, employĂ©s d’import-export ou de banques, auxquels s’agrĂ©gĂšrent les rĂ©fugiĂ©s, parfois aisĂ©s – qui soutinrent la cause de la France Libre11. 12 En 1941 et 1942, le FBI et l’Ambassade amĂ©ricaine, plutĂŽt encline Ă  minorer le phĂ©nomĂšne, estimai ... 13 Ayerza de Castilho L., Felgine O., Victoria Ocampo, Paris, Criterion, 1990 rééd. numĂ©rique, 2012. 14 Institut national de l’audiovisuel INA, propos de Roger Caillois, Archives du xxe siĂšcle », 18 ... 15 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Argentine, dossier 144/1. 16 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Argentine, dossier 147. 10En octobre 1941, la France Libre comptait 7 000 adhĂ©rents en Argentine12. Certains, comme Pierre LĂ©vis, cadre d’une maison de grains, ami de Roger Caillois, lui donnaient une partie de leur salaire. Les Français les plus fortunĂ©s, eux, ne se mĂȘlaient pas Ă  ce qu’ils considĂ©raient comme la populace qui frĂ©quentait le club de l’Aviron. Ils Ă©taient, eux, souvent pĂ©tainistes. L’Argentine disposait, comme beaucoup d’autres pays d’AmĂ©rique Latine, mais peut-ĂȘtre plus encore, d’une Ă©lite francophone et francophile. Ainsi Victoria Ocampo, nĂ©e en 1890, fut Ă©levĂ©e par deux gouvernantes, l’une de langue anglaise, l’autre de langue française. Elle n’écrivit en espagnol qu’assez tard, Ă  l’ñge de 47 ans13. Roger Caillois, dont elle soutint l’action, Ă©volua auprĂšs d’elle dans un milieu parfaitement bilingue, voire trilingue, au contact de la trĂšs brillante Ă©quipe de SUR pourtant soucieuse d’amĂ©ricanitĂ©14. Comme le dĂ©clarait l’ambassadeur de France Jean Tripier, le 3 octobre 1940 Dans la classe supĂ©rieure argentine, on dit volontiers que l’Argentine a Ă©tĂ© faite par le bras italien, le capital anglais et la pensĂ©e française15. » Victoria Ocampo, libĂ©rale affirmĂ©e, Ă©tait en outre une antifasciste dĂ©clarĂ©e. Elle faisait partie du mouvement Accion Argentina, fondĂ© sous l’impulsion de Gonzalez Rouro, en mai 1940, aprĂšs l’invasion des Pays-Bas et de la Belgique. Celui-ci, dans son manifeste publiĂ© le 6 juin 1940, proclamait l’attachement des Argentins Ă  la dĂ©mocratie, leur opposition aux principes totalitaires. De nombreux Argentins connus le signĂšrent. Des congrĂšs suivirent, par exemple celui de mai 1941, qui appela Ă  ne pas reconnaĂźtre les conquĂȘtes territoriales acquises par la violence, et Ă  la fermeture des missions diplomatiques des États totalitaires16. Lorsqu’Henri Focillon, intellectuel français exilĂ© aux États-Unis et engagĂ© au sein de la France Libre, fit un voyage en Argentine et qu’il donna une confĂ©rence au Jockey-Club pour le comitĂ© France-AmĂ©rique de Buenos-Aires, plus de 70 membres de la haute sociĂ©tĂ© argentine vinrent ainsi l’écouter. Si la presse argentine Ă©tait souvent antifasciste, il existait cependant un journal pro-allemand, El Pampero. Le comitĂ© de Gaulle disposa d’un bulletin, Pour la France libre, créé en juillet 1940, tirĂ© Ă  35 000 exemplaires en français et Ă  105 000 exemplaires en espagnol selon Jean-Paul Cointet. Il diffusait un bulletin radio-presse. Albert GuĂ©rin fonda en janvier 1943 l’hebdomadaire La France nouvelle jugĂ© parfois marxisant des notes envoyĂ©es Ă  Londres en tĂ©moignent. Le Vichyste Georges Denicker, le 17 juillet 1941, dĂ©plorait 17 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Argentine, dossier 144. Pour beaucoup de gens de ce pays, tout ce qui est français se confond de bonne foi avec la propagande gaulliste. [
] Jamais, depuis un an, le gouvernement français n’a Ă©tĂ© tenu par la presse comme digne d’exprimer une opinion. Tout Ă©tait rĂ©servĂ© Ă  de Gaulle ou aux Anglais17. » 11L’Argentine Ă©tait officiellement neutre. Mais l’armĂ©e argentine, influencĂ©e par Mussolini, avait des sympathies pour l’Axe. En Uruguay 18 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Londres CNF, Uruguay, dossier 151. 19 Alfredo Baldomir fut prĂ©sident de 1938 Ă  1943. Le gouvernement de Juan J. AmĂ©zaga 1943-1947 affer ... 12 La colonie française de Montevideo est politiquement nĂ©gligeable en raison de son faible effectif et de sa position indĂ©terminĂ©e le puissant appui dont bĂ©nĂ©ficie le mouvement de la France Libre vient de la population uruguayenne » dit un rapport du CNF le 16 mars 1941. Il existait cependant un comitĂ© de Gaulle Ă  Montevideo dirigĂ© par Albert Ledoux, ambassadeur dĂ©missionnaire devenu le reprĂ©sentant du gĂ©nĂ©ral de Gaulle en Uruguay. Ce comitĂ© Ă©tait composĂ© Ă  80 % d’Urugayens, selon des sources internes. Lorsque des tensions s’élevĂšrent entre Albert Ledoux, Emmanuel Lancial, reprĂ©sentant rĂ©gional de la France Libre, et Albert GuĂ©rin, que les deux premiers trouvaient, comme beaucoup, autoritaire et trop Ă  gauche, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle dut leur faire comprendre qu’une coopĂ©ration Ă©tait absolument nĂ©cessaire. Le gouvernement, malgrĂ© la neutralitĂ© proclamĂ©e en 1939, le clergĂ© et une certaine partie de la population trĂšs liĂ©e Ă  l’Allemagne nazie penchaient pour l’Axe, selon un rapport de la diplomatie française18. La majeure partie de la population Ă©tait toutefois trĂšs francophile. Il faut rappeler que le 14 juillet fut jusqu’en 1943 la fĂȘte nationale de la patrie de naissance d’Isidore Ducasse, futur comte de LautrĂ©amont, de Laforgue et Supervielle. Le 20 juin 1940, le prĂ©sident Baldomir dĂ©clarait Ă  un journal argentin L’Uruguay professe pour la France une affection profonde. Les Uruguayens sont imprĂ©gnĂ©s de son art, de sa philosophie et de sa science19. » Signe de cet attachement, des manifestations se produisirent en mai 1940 devant des salles combles les rĂ©unions publiques n’étant pas autorisĂ©es, ainsi qu’à l’annonce de fusillade d’otages en France. Les dĂ©portations de Juifs choquĂšrent profondĂ©ment l’opinion publique ainsi qu’une partie de l’épiscopat ce fut aussi le cas en Argentine. Des mouvements de sympathie pro de Gaulle se produisirent au moment du 14 juillet, et ce rĂ©guliĂšrement, comme en Argentine. 20 Paseyro R., Jules Supervielle, le forçat volontaire, Paris, Le Rocher, 1987 rééd. 2002. Voir Coll ... 13En novembre 1942, des Ă©lections portĂšrent au pouvoir une coalition dĂ©mocratique en Uruguay DĂ©jĂ  en guerre contre l’Allemagne, le gouvernement uruguayen fut le premier au monde Ă  reconnaĂźtre celui de De Gaulle20 », ce qui constitua l’amorce d’un mouvement diplomatique en sa faveur. Bernanos, Caillois, Supervielle 14L’action de Georges Bernanos, Roger Caillois et Jules Supervielle en faveur de la RĂ©sistance extĂ©rieure, pendant la guerre, fut trĂšs diffĂ©rente. Georges Bernanos 1888-1948 21 Aron R., MĂ©moires, Paris, Julliard, 1983, p. 141. Sur son Ă©volution quant Ă  l’antisĂ©mitisme, les op ... 22 Bothorel J., Georges Bernanos, le mal-pensant, Paris, Grasset, 1998, p. 319. 15CĂ©lĂšbre talent venu de la droite française, auteur, selon Raymond Aron dans ses MĂ©moires, d’un ouvrage passionnĂ©ment antisĂ©mite » en 1931 La Grande Peur des Bien-Pensants21, Bernanos Ă©volua beaucoup Ă  partir de la guerre d’Espagne il condamna ainsi les nationalistes franquistes dans Les Grands cimetiĂšres sous la lune. RĂ©vulsĂ© par la nouvelle Europe totalitaire qui se prĂ©parait, il quitta le 20 juillet 1938 le sol français pour l’AmĂ©rique latine. Il pressentait le malheur, le prophĂ©tisait mĂȘme. Il voulut se rendre avec sa nombreuse famille au Paraguay mais, n’y parvenant pas, et n’ayant pas les moyens financiers de s’installer en Argentine oĂč il sĂ©journa et rencontra Victoria Ocampo, il finit par s’établir au BrĂ©sil et prit vite des positions anti pĂ©tainistes qui lui interdirent tout retour en France occupĂ©e, ce qu’il n’envisagea mĂȘme pas22. Pourquoi cet exil ? Au pĂšre Bruckberger, il Ă©crivit, fin 1938 La vĂ©ritable pensĂ©e française doit se former hors de France, parce que l’atmosphĂšre dans laquelle on vit lĂ -bas l’empĂȘche d’éclore », ajoutant À ceux qui se demandent pourquoi j’ai quittĂ© mon pays pour le BrĂ©sil, je pourrais dire que je suis venu ici couver ma honte. » Peut-ĂȘtre un certain esprit d’aventure intervint-il aussi dans ce choix. Il n’eut en effet de cesse que d’y acheter une ferme, une fazenda ». Soutenu par des membres francophiles de l’élite de Rio de Janeiro qui l’admiraient, Bernanos publia entre mai 1940 et mai 1945 trois cents articles ou messages radiophoniques engagĂ©s. Son premier papier, publiĂ© dans O Jornal, grand quotidien brĂ©silien, date du 29 juin 1940. ProfondĂ©ment lucide face aux horreurs hitlĂ©riennes, il y dĂ©clarait Cette guerre est la guerre de la race. C’est pourquoi elle est une guerre d’extermination. » Comme il Ă©tait assez dĂ©muni, un de ses amis brĂ©siliens, Virgilio Mello-Franco, lui permit de bĂ©nĂ©ficier d’une collaboration rĂ©guliĂšre avec O Jornal. À partir de janvier 1942, ses revenus doublĂšrent, lui permettant de vivre aisĂ©ment et d’écrire parfois bĂ©nĂ©volement. Jean Bothorel, un de ses biographes, indique d’ailleurs que le gouvernement de Getulio Vargas, mĂȘme avant l’entrĂ©e en guerre du BrĂ©sil le 22 aoĂ»t 1942 aux cĂŽtĂ©s des AlliĂ©s, ne cherchera pas, ou peu, Ă  le censurer. Les autoritĂ©s » politiques Ă©taient, au fond, indiffĂ©rentes Ă  ses longues diatribes contre Hitler, PĂ©tain, Laval et toute l’équipe de Vichy, assorties de considĂ©rations hostiles sur Staline ou sur les “Yankees” ». Ceci contrairement Ă  la hiĂ©rarchie catholique qui manifestait son mĂ©contentement auprĂšs de l’Ambassadeur de France, lequel se plaignit dans une note Ă  Vichy de ses accents hĂ©rĂ©tiques ». D’ailleurs, comme l’indique un rapport d’Albert Ledoux, la censure se relĂącha avec l’évolution de la position des États-Unis. Des raisons familiales accentuĂšrent les choix de Georges Bernanos son fils Yves rejoignit la France Libre en juillet 1941 et son fils Michel en dĂ©cembre 1942. 23 Bernanos G., Essais et Ă©crits de combat, Paris, Gallimard, coll. La PlĂ©iade », 1971, introduction ... 16Au BrĂ©sil, il s’éleva donc contre la dictature hitlĂ©rienne et la capitulation française. Selon Michel EstĂšve23, pour Georges Bernanos 24 Lorsqu’il entendit l’Appel du gĂ©nĂ©ral de Gaulle Ă  la radio brĂ©silienne, Georges Bernanos fut extrĂȘm ... Accepter par avance une victoire pour l’Allemagne revient Ă  trahir la vocation mĂȘme du chrĂ©tien et de la France. Suivre l’appel du 18 juin 40, adhĂ©rer Ă  la RĂ©sistance, envisager la rĂ©volte comme le seul recours possible est pour la France et l’Europe la seule façon de sauver leur libertĂ© et leur Ăąme24. » 25 Bernanos G., Lettre aux Anglais, Rio de Janeiro, L’Arbre, Atlantica editora, 1942, p. 112. 26 Bothorel J., Georges Bernanos, le mal-pensant, op. cit., p. 32-33. 17Dans Lettre aux Anglais, Bernanos dĂ©clara ainsi J’ai remis mon espoir entre les mains des insurgĂ©s. J’en appelle Ă  l’Esprit de RĂ©volte, non par une haine contre le conformisme mais parce que j’aime encore mieux voir le monde risquer son Ăąme que de la renier25. » Les articles, les confĂ©rences et les essais qu’il publia furent donc dans l’esprit de la RĂ©sistance et appelĂšrent Ă  une Renaissance chrĂ©tienne. Le 1er janvier 1942, il Ă©crivit dans O Jornal Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle n’a pas trichĂ©. Il a pris son risque au moment le plus critique, et il l’a pris tout entier. » Mais la seule autoritĂ© lĂ©gitime qu’il reconnaissait Ă©tait celle du descendant de la famille d’OrlĂ©ans. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, homme providentiel, Ă©tait pour lui le dĂ©lĂ©guĂ© provisoire » de cette autoritĂ©. Anti-pĂ©tainiste, ce monarchiste pourfendit le gouvernement de Vichy, la rĂ©volution nationale », tout en se gardant longtemps d’adhĂ©rer au mouvement gaulliste. Jean Bothorel souligne qu’il ne s’y associa qu’au mois de juin 1942 et qu’il soutint sans Ă©quivoque le parti du gĂ©nĂ©ral de Gaulle contre celui du gĂ©nĂ©ral Giraud en juin 194326. Dans Le Chemin de la Croix-des-Âmes 1943-1945, il Ă©crivait Le 18 juin 1940 est ce jour oĂč un homme prĂ©destinĂ© – que vous l’eussiez choisi ou non, qu’importe, l’Histoire vous le donne – a d’un mot qui annulait la dĂ©faite, maintenu la France dans la guerre. Français, ceux qui essaient de vous faire croire que ce jour et cet homme n’appartiennent pas Ă  tous les Français se trompent, ou vous trompent. Ralliez-vous Ă  l’Histoire de France. » 18Il collabora, par l’intermĂ©diaire d’Auguste Rendu, architecte, ancien combattant, chevalier de la LĂ©gion d’honneur, mutilĂ© de la guerre de 1914-1918, prĂ©sident du comitĂ© de Gaulle de Rio de Janeiro, Ă  la BBC, au bulletin pĂ©riodique du comitĂ© intitulĂ© France libre puis France Combattante. Il publia un appel aux Français rĂ©sidant en France dans le n° 3 du Bulletin du comitĂ© de Gaulle de Buenos Aires, oĂč il affirmait notamment Il importe peu que vous soyez d’accord sur l’avenir, il suffit que vous ne le laissiez engager par personne, aussi longtemps que la France ne sera pas libre, aussi longtemps que ne sera pas restituĂ© l’honneur. [
] Ne lĂąchez rien ! N’abandonnez rien ! » 19Dans le Bulletin n° 5 Pour la France Libre, il Ă©crivait Je tiens le rĂŽle de l’écrivain pour utile et mĂȘme important, je ne me fais pas non plus de cette importance une idĂ©e excessive. [
] Je n’ai [
] jamais Ă©tĂ© rĂ©publicain, mais j’ai compris maintenant ce que ce mot exprimait – Ă  tort ou Ă  raison – pour des millions d’hommes qui ont mis en lui leur foi et leur fiertĂ©. [
] Lorsque je lis dans ce bulletin ces lettres si naĂŻves, si bouleversantes, de pauvres gens qui envoient tout leur cƓur avec un billet de cent sous, je sens profondĂ©ment la grandeur et la misĂšre de l’écrivain en prĂ©sence de tels ĂȘtres. Que leur apporterais-je qu’ils n’aient dĂ©jĂ , puisqu’ils ont l’hĂ©roĂŻsme et la foi ? [
] Pour moi, je n’ai plus ni classe ni parti [
] Je ne veux plus croire qu’à l’honneur français. » 27 Arch. MAE, Londres, dossier Bernanos. 28 Voir la lettre de Georges Bernanos Ă  Virgilio de Mello-Franco. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle m’a cĂąblĂ© [
] ... 29 J’ai aimĂ© le BrĂ©sil pour bien des raisons, mais d’abord et avant tout parce que j’étais nĂ© pour l ... 30 Carelli M., La rencontre de deux monde Caillois et Bernanos », Cahiers Georges Bernanos, n° 2, ... 31 Soupault Ph., Profils perdus, Paris, Mercure de France, 1963, p. 77-78. 32 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Alger, Argentine 18GMII/1094, 18GMII/1292 et 18GMII/1294. 33 Carelli M., La rencontre de deux monde Caillois et Bernanos », art. citĂ©. Plusieurs lettres de ... 20À la mĂȘme Ă©poque, Albert GuĂ©rin intervint auprĂšs du gĂ©nĂ©ral de Gaulle au sujet de ce brillant et courageux partisan de [la] cause [de la France Libre] » et pour une meilleure diffusion de ses articles27. Le 8 mai 1942, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle remerci[a] vivement M. Bernanos de son offre ». Le comitĂ© national assurera volontiers la diffusion d’articles qui feront certainement honneur autant au patriotisme de M. Bernanos qu’à ses talents d’écrivain ». Le CNF Ă©crivit Ă  Brazzaville et Beyrouth pour assurer la plus large diffusion Ă  la lettre ouverte de Bernanos aux Anglais. En rĂ©ponse, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle annonça la crĂ©ation de La Marseillaise Ă  Londres Ă  laquelle Georges Bernanos fut priĂ© de donner des textes Souhaitons papiers moraux, politiques plus que religieux. Éviter complaisance politique Ă  notre Ă©gard. » Ses articles furent alors transmis par Auguste Rendu, par tĂ©lĂ©graphe, Ă  Londres28. Jean Bothorel prĂ©cise qu’il toucha pour chacun de ses textes dans La Marseillaise 50 dollars. Il en donna alors la moitiĂ© au comitĂ© France Libre de Rio de Janeiro. À la mĂȘme Ă©poque, Georges Bernanos exprima le dĂ©sir de s’établir en terre française », Ă  Brazzaville ou en Syrie. Albert GuĂ©rin s’entremit. Mais Bernanos y renonça et, attachĂ© au BrĂ©sil, poursuivit son exil sur ce sol29. Une partie de sa famille y fit souche. Ses essais et articles visionnaires eurent un grand retentissement. La Lettre aux Anglais 1942 Ă©ditĂ©e au BrĂ©sil par Charles Ofaire, connut plusieurs Ă©ditions clandestines en Europe et contribua, selon Mario Carelli30, Ă  faire basculer l’opinion brĂ©silienne hĂ©sitante jusqu’en 1942. Un texte Ă©crit Ă  l’intention de la France, Vous serez jetĂ©s sur le parvis », fut reproduit par Franc-Tireur et par France, selon une note conservĂ©e aux archives diplomatiques. Beaucoup de visiteurs de Georges Bernanos le dĂ©peignirent avec tendresse. Philippe Soupault, dans Profils perdus, Ă©voque sa verve Ă©tonnante », sa prodigieuse vitalitĂ© », ses colĂšres homĂ©riques. Il s’exprimait avec une franchise et une violence admirable » raconte-t-il de ce prodigieux personnage31 ». Il en fit, dans un rapport Ă  Alger, un vibrant Ă©loge Il est un fervent dĂ©fenseur de la France combattante et de ses chefs mais il reste un individualiste qui refuse toute discipline. Cette attitude qui fut toujours la sienne fait sa force32. » Roger Caillois, Ă©voqua avec une rare chaleur celui qu’Étiemble appelait, dans une lettre, le tonitrueur33 ». Georges Bernanos ne rentra pas immĂ©diatement en France, malgrĂ© les demandes de De Gaulle. Il ne quitta le BrĂ©sil que le 2 juin 1945. Roger Caillois 34 Felgine O., Roger Caillois, op. cit. 35 Il devait impĂ©rativement se marier, du fait des contraintes sociales de l’époque concernant les nai ... 36 Le 3 septembre 1939, il comptait reprendre son poste au lycĂ©e de Beauvais mais ne savait pas s’il a ... 21NĂ© en 1913 Ă  Reims il mourut Ă  Paris en 1978, normalien, agrĂ©gĂ© de grammaire en 1932, mythologue de talent » selon Marcel Mauss, Ă©lĂšve de Georges DumĂ©zil Ă  l’École pratique des hautes Ă©tudes en sciences religieuses, il avait Ă©tĂ© la boussole mentale du surrĂ©alisme » puis Ă©volua Ă  l’extrĂȘme gauche tout en manipulant, Ă  notre sens inconsidĂ©rĂ©ment, au collĂšge de sociologie, des thĂšses qui purent le faire soupçonner de fascisme34 ». Il se dĂ©clara alors communiste dans son article La hiĂ©rarchie des ĂȘtres ». Il prĂŽnait l’ariditĂ©, la rigueur, l’avĂšnement d’une Ă©lite de clercs. Connu dans un cercle intellectuel restreint, collaborateur de la NRF de Jean Paulhan, il rencontra l’essayiste et Ă©ditrice argentine Victoria Ocampo chez Jules Supervielle, fin 1938. Ils se liĂšrent. Toujours avide de signatures prometteuses pour sa prestigieuse revue, SUR, Victoria Ocampo, qui disposait d’une fortune considĂ©rable, l’invita Ă  faire une sĂ©rie de confĂ©rences sociologiques en Argentine. DĂ©barquĂ© sur le sol argentin le 11 juillet 1939, Roger Caillois y fut surpris par la guerre. Il envisagea un temps de rentrer en France, par nĂ©cessitĂ©35, ce qui Ă©tait concrĂštement impossible en raison du trafic maritime et de sa situation militaire36. Il resta donc auprĂšs de Victoria Ocampo qui le prit en charge matĂ©riellement, et il prit position, dĂšs octobre 1939, contre l’hitlĂ©risme. Le 13 octobre, il annonça avoir Ă©crit 37 Lettre Ă  Yvette Billod, 13 octobre 1939 collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. une chose sur Hitler dans le genre de la dĂ©claration du CollĂšge de Sociologie mais beaucoup plus long. J’ignore d’ailleurs tout Ă  fait dans quelle mesure cela peut plaire Ă  ces gens car j’ai exprimĂ© mes idĂ©es – et non les leurs – et ce n’est peut-ĂȘtre pas suffisant que les conclusions concordent, quand les raisons qui les amĂšnent sont si diffĂ©rentes37 ». 38 Lettre Ă  Yvette Billod, 21 octobre 1939 collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. À rapprocher ... 39 Ibid., p. 124-125. 40 Lettre Ă  Yvette Billod collection Catherine Rizea-Caillois. À la mi-dĂ©cembre, il expliquait qu’il ... 41 Lettre Ă  Yvette Billod collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. À partir de juillet 1940, il ... 22Le 21, il s’exclamait J’ai fini mon travail sur Hitler une condamnation purement sociologique, en dehors de tout parti-pris national ou moral. L’attachĂ© culturel est trĂšs embarrassĂ©. Il voudrait que cela soit tirĂ© Ă  10 000 exemplaires et distribuĂ© aux intellectuels en AmĂ©rique du Sud38. » Quelques jours aprĂšs, fut publiĂ© le numĂ©ro 61 de SUR avec son Ă©tude Nature de l’hitlĂ©risme », ainsi que d’autres Ă©crits antifascistes, Veille de guerre » de Victoria Ocampo et Essai d’impartialitĂ© » de Jorge Luis Borges. Le 11 novembre, dans une lettre Ă  Jean Paulhan, Roger Caillois condamnait l’hitlĂ©risme par ces mots L’hitlĂ©risme est un idĂ©al qui ne permet pas qu’on y adhĂšre. Il faut la grĂące et celle-ci n’est pas la rĂ©compense de la vertu, mais une donnĂ©e de la naissance39. » DĂ©but dĂ©cembre, il dit vouloir toujours partir mais les bateaux italiens, les seuls bateaux de passagers Ă  peu prĂšs sĂ»rs sont pleins40 ». Il poursuivit nĂ©anmoins ses travaux le 12 mars 1940, Caillois dĂ©clarait avoir Ă©crit un nouvel article sur l’hitlĂ©risme pour le supplĂ©ment littĂ©raire de La Nacion, quotidien libĂ©ral argentin. En avril, il travaillait Ă  l’ambassade comme attachĂ© Ă  l’Information pour la section culturelle il devait, dans la presse, repĂ©rer la propagande allemande et l’inquiĂ©tude locale Ă  cause du blocus puis faire des rapports sur la question ». Il se rendait aussi dans les cinĂ©mas d’actualitĂ© surveiller les reportages allemands et contrĂŽler les français ces derniers au studio, avant la projection publique. » Fin avril, il Ă©crivit une chose sur AthĂšnes et Philippe, l’Hitler de l’époque41 ». 42 Felgine O., Roger Caillois, op. cit. 43 MĂ©diathĂšque Valery Larbaud MVL, fonds Caillois, lettre d’Étiemble Ă  Roger Caillois. 44 MVL, fonds Caillois, lettres de Raymond Aron Ă  Roger Caillois. 23À la mi-juillet 1940, il quitta le service de l’ambassade passĂ©e aux mains des pĂ©tainistes, pour celui du Royaume-Uni. Les Britanniques l’envoyĂšrent prononcer dix confĂ©rences en Uruguay sur le danger hitlĂ©rien et la signification de l’hitlĂ©risme42 ». La lĂ©gation allemande protesta l’Uruguay et l’Argentine Ă©taient thĂ©oriquement neutres. À partir de ce moment, Roger Caillois ne put plus rentrer en France. Rapidement, il adhĂ©ra au comitĂ© de Gaulle Ă©tabli dans diverses villes d’Argentine, seule force d’opposition structurĂ©e aux pĂ©tainistes, qui constituait aussi une de ces sectes qui le fascinaient. AuprĂšs de Victoria Ocampo, femme exceptionnelle qui n’avait d’autre passeport que le talent, comme elle le disait, il frĂ©quenta une grande partie des meilleures plumes d’AmĂ©rique latine dont Jorge Luis Borges. Il n’en nĂ©gligea pas pour autant ses compatriotes et amis. Son ancien collĂšgue du lycĂ©e de Beauvais, RenĂ© Étiemble, qui fit des sĂ©jours au Mexique, lui proposa de fonder avec lui une revue qui, durant l’interrĂšgne PĂ©tain, assure la survie de ce qu’[ils aimaient], en français et distribuĂ©e surtout dans les pays de l’AmĂ©rique latine oĂč NRF et semblables magazines avaient beaucoup de lecteurs » ; une revue, essentiellement, de critique et de doctrine littĂ©rature, arts, politique, rĂ©unissant surtout des essais sĂ©rieux43 ». Le projet, en fait, fut dĂ©veloppĂ© par Roger Caillois en Argentine sous le titre Lettres Françaises. Il fut Ă©voquĂ© dĂšs le 5 novembre 1940 par Supervielle. Victoria Ocampo, avec une dĂ©termination et une constance louables, mit les infrastructures de SUR, son rĂ©seau d’amitiĂ©s et une partie de sa fortune au service de ce projet. Roger Caillois fit, quant Ă  lui, preuve d’un acharnement et d’une Ă©nergie remarquables. Il fit appel aux Ă©crivains et artistes exilĂ©s en AmĂ©rique latine et du Nord mais aussi, tant qu’il le put Ă  Jean Paulhan et Ă  Jean Ballard, restĂ©s en France, pour assurer Ă  sa revue des textes inĂ©dits de qualitĂ©. La revue, de langue française, s’adressant aux lecteurs amĂ©ricains » du Sud mais aussi du Nord ainsi qu’aux communautĂ©s francophones entendait Ă  la fois servir la France Libre, donner la parole aux Ă©crivains français, et aider la littĂ©rature et la langue françaises en AmĂ©rique. Des bulletins de souscription lui accordaient un peu d’autonomie financiĂšre, personnalitĂ©s argentines autant que membres de la communautĂ© française lui apportant leur soutien. Des Ă©ditions lui furent jointes la collection des Amis des Lettres Françaises, La Porte Ă©troite. Son premier numĂ©ro, sous-titrĂ© Cahiers trimestriels de littĂ©rature française, Ă©ditĂ©s par les soins de la revue SUR avec la collaboration des Ă©crivains français rĂ©sidant en France et Ă  l’étranger », parut en juillet 1941. Du fait d’un obstacle juridique, Victoria Ocampo fut prĂ©sentĂ©e comme la directrice de ce qu’elle dĂ©clara ĂȘtre un supplĂ©ment francophone de sa revue. La revue eut 20 numĂ©ros, le dernier le numĂ©ro 17-20 fut publiĂ© en 1947, aprĂšs le dĂ©part de Roger Caillois. Beaucoup d’intellectuels, de poĂštes exilĂ©s en AmĂ©rique du Nord y collaborĂšrent, soit en donnant des textes, soit en aidant Caillois Ă  s’en procurer. Des rĂ©seaux spontanĂ©s d’amitiĂ© se constituĂšrent autour d’elle. Ainsi Raymond Aron, rĂ©dacteur en chef de la revue mensuelle La France Libre non gaulliste mais proche du mouvement », créée Ă  Londres par AndrĂ© Labarthe, appuya chaleureusement Roger Caillois tout au long de sa mission44. ValĂ©ry, Michaux, Benjamin Fondane, Saint-John Perse, AndrĂ© Breton, Marguerite Yourcenar, Jorge Luis Borges et tant d’autres se croisĂšrent dans cette revue qui eut un rĂŽle un peu similaire Ă  celui de Fontaine ou L’Arche en AlgĂ©rie ». Un de ses numĂ©ros fut parachutĂ©, miniaturisĂ©, sur la France mĂ©tropolitaine par la 45 Felgine O., Roger Caillois, op. cit. 46 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Alger CFLN, Argentine, 1292, rapport d’Henri Seyrig. 24ParallĂšlement, Roger Caillois qui, un peu comme Saint-ExupĂ©ry, pensait que l’écrivain français exilĂ© avait des privilĂšges et des devoirs face Ă  ses pairs en France occupĂ©e – mais sans ĂȘtre antigaulliste –, fonda avec Robert Weibel-Richard, ancien attachĂ© culturel français et professeur Ă  la facultĂ© des lettres, l’Institut français d’études supĂ©rieures de Buenos Aires qui s’adressa Ă  un public gaulliste et cultivĂ©45. Il y songeait depuis 1940 puisqu’à cette Ă©poque il Ă©crivait Ă  Yvette Billod qui devait le rejoindre en Argentine pour l’épouser Je pense quelquefois Ă  fonder une sorte d’Institut d’Études Classiques oĂč l’on enseignerait les langues et littĂ©ratures grecques, romaines et françaises. Cela manque beaucoup ici, et je crois que cela aurait des Ă©lĂšves. Mais c’est un projet de grande envergure. Il faudrait que vous soyez lĂ . » L’Alliance française Ă©tait vichyste, recevant une subvention du gouvernement de PĂ©tain ; l’enseignement du français dans les collĂšges privĂ©s Ă©tait, quant Ă  lui, catastrophique. En aoĂ»t 1942, Henri Focillon vint inaugurer ce qui fut prĂ©sentĂ© comme une branche de l’École libre des hautes Ă©tudes de New York. Roger Caillois envisagea d’en fonder un autre Ă  Montevideo, en Uruguay, mais Claude LĂ©vi-Strauss, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Centre d’études et d’information pour les relations avec l’AmĂ©rique centrale et l’AmĂ©rique du Sud, le lui dĂ©conseilla. Ç’aurait Ă©tĂ© trop de travail. Les moyens de l’Institut Ă©taient modestes. Il y avait cinq professeurs au dĂ©but Robert Weibel-Richard, ancien attachĂ© culturel, licenciĂ© Ăšs lettres, directeur de l’Institut, Roger Caillois, Yvette Caillois, licenciĂ©e Ăšs lettres avec diplĂŽme d’études supĂ©rieures, ancien professeur au lycĂ©e Racine et au lycĂ©e Jules Ferry Ă  Paris, Simone Garma, licenciĂ©e Ăšs lettres, ancien professeur au lycĂ©e français de Madrid, Jeanne Bathori, ancien professeur Ă  la Schola cantorum, directrice du théùtre du Vieux Colombier en 1917-1918. En juin 1943, outre ces membres fondateurs, Paul BĂ©nichou, agrĂ©gĂ© des lettres, Mme Luesma-Lagoubie, licenciĂ©e Ăšs lettres, ancien professeur au lycĂ©e de Bordeaux et au lycĂ©e français de Montevideo, DĂ©sirĂ© Patt, docteur Ăšs sciences de l’universitĂ© de Budapest, ancien professeur Ă  l’universitĂ© de Marseille, Mme Icard, licenciĂ©e Ăšs sciences, Fides Castro, professeur de chant et Ada Poliakowa, premier prix de Conservatoire national de Petrograd, dispensaient aussi leur savoir. Il y avait six cents Ă©lĂšves pendant la saison et quarante cours, de langue et littĂ©rature françaises, de langue et littĂ©rature classiques, d’histoire et sociologie et d’interprĂ©tation musicale. Les certificats dĂ©livrĂ©s Ă©taient proches de la licence46. Le public Ă©tait composĂ© de dames de la haute sociĂ©tĂ© portĂšgne, de petits commerçants, de jeunes filles rĂ©fugiĂ©es. TrĂšs vite, l’Institut fut trĂšs frĂ©quentĂ© et sa situation financiĂšre apparut saine. Dans ce foyer du gaullisme, furent donnĂ©s des concerts, des spectacles et un dĂźner par mois rĂ©unissant Ă©lĂšves, enseignants, invitĂ©s venus des États-Unis ou d’ailleurs. Le gouvernement argentin ne s’en accommoda pas vraiment des manifestations de profascistes eurent lieu devant l’Institut, et des mesures d’intimidation furent agitĂ©es. 47 Ibid. 25L’Institut bĂ©nĂ©ficia d’une subvention de la part du comitĂ© de Gaulle de Buenos Aires. Henri Seyrig, chargĂ© de mission par le CNF, s’exclamait dans son deuxiĂšme rapport le 25 juin 1943 La France combattante peut ĂȘtre justement fiĂšre d’avoir créé cette institution qui doit devenir et est dĂ©jĂ , dans une large mesure, le pilier de notre influence culturelle dans la RĂ©publique argentine47. » Jules Supervielle 1884-1960 48 Paseyro R., Jules Supervielle, le forçat volontaire, op. cit., p. 193. 49 Soupault Ph., Profils perdus, op. cit. ; Mousli B., Philippe Soupault, Paris, Flammarion, 2010, p. ... 26Écrivain et poĂšte français reconnu, il naquit en Uruguay, oĂč demeurait une grande partie de sa famille. MĂȘme si ses ancĂȘtres Ă©taient basco-bĂ©arnais, mĂȘme s’il Ă©crivait en langue française, s’il possĂ©dait de nombreux amis dans le milieu littĂ©raire français tels que Jean Paulhan, Henri Michaux, Paul Morand Jules Supervielle appartenait aussi Ă  l’Uruguay, dont il possĂ©dait la nationalitĂ© et oĂč il faisait de frĂ©quents sĂ©jours. Lui qui ne se dĂ©plaçait jamais durant l’hiver austral se rendit en aoĂ»t 1939 en Uruguay pour le mariage de son fils aĂźnĂ©. Il y fut bloquĂ© pendant six ans et demi, la guerre s’étant dĂ©clarĂ©e cent heures aprĂšs son arrivĂ©e. Ses filles demeuraient en France mĂ©tropolitaine. Il fut en quelque sorte exilĂ© dans un de ses pays. La complexitĂ© de cette situation l’empĂȘcha peut-ĂȘtre de se dĂ©terminer politiquement aussi vite et nettement que Georges Bernanos et Roger Caillois aux cĂŽtĂ©s de la RĂ©sistance extĂ©rieure. Selon son gendre et biographe Ricardo Paseyro, Supervielle n’avait ralliĂ© ni de Gaulle ni PĂ©tain. Ses rapports avec la lĂ©gation de Vichy Ă©taient strictement protocolaires ». Anticommuniste, il trouvait des mobiles honnĂȘtes Ă  la conduite de ses amis Paulhan le rĂ©sistant, Jouhandeau le collaborateur, Morand le marĂ©chaliste, Michaux le marginal, Saint-John Perse antigaulliste et anti-pĂ©tainiste48 ». Deux de ses gendres, Pierre Bertaux et Pierre David, Ă©taient cependant engagĂ©s en France et en Afrique dans la lutte antihitlĂ©rienne. Ce grand ami de Victoria Ocampo, en rĂ©alitĂ©, manifesta son anti-pĂ©tainisme et son antinazisme dans ses poĂšmes. Dans son Journal, en partie publiĂ©, il exprimait sa tristesse de voir la France occupĂ©e. Il Ă©crivait ainsi Les armĂ©es du Reich viennent d’envahir le nord de la France. Le cerveau ne sait comment s’y prendre pour contenir des nouvelles aussi volumineuses et rĂ©pugnantes. » En septembre et octobre 1940, cet auditeur de la BBC composa les quatre premiers PoĂšmes de la France malheureuse Ô Paris ville ouverte/Ainsi qu’une blessure » qui furent dĂ©diĂ©s Ă  Angelica Ocampo, la sƓur la plus proche de Victoria Ocampo. Le 2 novembre 1940, Roger Caillois, qui le vit Ă  Montevideo le Franco-Uruguayen venait d’apprendre que la banque Supervielle avait fait faillite Ă©crivit Ă  Yvette Billod Il se remettait Ă  peine des Ă©motions que les affaires d’Europe lui avaient causĂ©es. » Philippe Soupault, en mission, le rencontra en 1943 Ă  Montevideo Il Ă©tait triste, mĂȘme malheureux, comme moi, quand il Ă©coutait les nouvelles de la France occupĂ©e. Il souffrait mais ne voulait pas ĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ©. “Ce n’est pas possible” me rĂ©pĂ©tait-il. C’était pourtant possible49. » 27Jules Supervielle donna deux des quatre premiers poĂšmes Ă  la revue de Roger Caillois, Lettres Françaises, dĂšs son premier numĂ©ro. En novembre 1941, six furent publiĂ©s en plaquette dans la collection des Amis de Lettres Françaises. Quatre autres furent proposĂ©s dans le n° 5 le 1er juillet 1942, et trois enfin dans le n° 9 de Lettres Françaises du 1er juillet 1943. Ce fut sa façon de s’engager. Ses poĂšmes, d’ailleurs, furent lus en France. En juin 1942, Albert BĂ©guin, qui depuis BĂąle, dirigeait Les Cahiers du RhĂŽne et voulait les publier, lui Ă©crivit combien ils l’avaient Ă©mu. RuinĂ© par la faillite de la banque familiale, Jules Supervielle regagna la France en avril 1946 comme diplomate uruguayen. D’une AmĂ©rique l’autre, destins croisĂ©s d’intellectuels 50 Loyer E., Paris Ă  New York. Intellectuels et artistes français en exil 1940-1947, Paris, Grasset, ... 51 MVL, fonds Caillois, lettres de Claude LĂ©vi-Strauss Ă  Roger Caillois. 52 MVL, fonds Caillois, lettre d’Henri Seyrig Ă  Roger Caillois, 17 aoĂ»t 1943 Je me suis remuĂ© de t ... 53 Rolland D., Vichy et la France libre au Mexique guerre, cultures et propagande pendant la Seconde ... 54 MVL, fonds Caillois, lettre d’Agustin Ruano Fournier Ă  Roger Caillois, 7 octobre 1940 Je prĂ©fĂšr ... 55 MVL, fonds Caillois, lettre de Sara Rey-Alvarez Ă  Roger Caillois, 7 novembre 1940. Ce professeur de ... 28Emmanuelle Loyer, dans son ouvrage Paris Ă  New York50, laisse entendre que les relations entre exilĂ©s d’AmĂ©rique du Nord et exilĂ©s d’AmĂ©rique latine Ă©taient hiĂ©rarchisĂ©es La vie intellectuelle new yorkaise [
] chapeautait les autres centres littĂ©raires de l’exil, cette position Ă©tant considĂ©rĂ©e comme clairement hiĂ©rarchique. » S’il est vrai que l’Institut d’Études supĂ©rieures de Buenos Aires fut prĂ©sentĂ© comme une annexe du Latin American Center de New York51, les correspondances de Roger Caillois, de Georges Bernanos ou de Jules Supervielle ne montrent pas une telle soumission. En matiĂšre de vie culturelle, il n’y a pas de hiĂ©rarchie. Les liens avec la RĂ©sistance extĂ©rieure, les comitĂ©s de Gaulle et les actions des Ă©crivains français en leur faveur dĂ©pendirent essentiellement du CNF installĂ© Ă  Londres. Je n’ai pas trouvĂ© trace de subordination vis-Ă -vis des exilĂ©s aux États-Unis. Les lettres tĂ©moignent d’échanges fraternels entre eux, de services rendus de part et d’autre. D’ailleurs, Roger Caillois ne rĂ©ussit pas Ă  se rendre en visite aux États-Unis pays certes plus riche, malgrĂ© une invitation officielle de M. Mirkine-Guetzevitch du 21 juillet 1943 et les efforts d’Henri Seyrig52. Ni d’un cĂŽtĂ©, ni de l’autre, on ne dispose d’assez d’argent pour assurer ce dĂ©placement. Lettres Françaises fut d’autre part publiĂ©e avant la revue de l’École libre de New York, Renaissance qui parut Ă  la fin du printemps 1943. Il est Ă  noter cependant qu’il y eut plus de circulation d’informations et d’échanges entre les diffĂ©rents pays d’AmĂ©rique du Nord et du Sud Ă  partir de ce moment. Des amitiĂ©s durables, parfois surprenantes, naquirent de ces rencontres Ă©tayĂ©es parfois par un Ă©pistolaire plus ou moins contrariĂ© par les alĂ©as de l’acheminement postal Breton/Saint-John Perse, Saint-John Perse/Caillois, Bernanos/Soupault ou Bernanos/Caillois. En AmĂ©rique latine mĂȘme, les deux pĂŽles de rĂ©sistance intellectuelle les plus actifs semblent avoir Ă©tĂ© le Mexique et l’Argentine. Denis Rolland a Ă©tudiĂ© pour le Mexique53 les cas de Paul Rivet, Jules Romains notamment gaulliste mais respectueux du PĂ©tain de la PremiĂšre Guerre mondiale. L’Argentine se distingua grĂące Ă  Victoria Ocampo et Roger Caillois mais aussi Ă  une communautĂ© francophile autochtone importante, parfois fortunĂ©e. Il est intĂ©ressant de remarquer aussi que les universitĂ©s latino-amĂ©ricaines oĂč Roger Caillois alla frĂ©quemment donner des confĂ©rences lui demandaient souvent de traiter de sujets engagĂ©s. Ainsi celle de Montevideo qui lui suggĂ©ra d’évoquer la position de la jeunesse face au totalitarisme54. Des lettres d’auditeurs de celles-ci, conservĂ©es dans la correspondance de Roger Caillois, tĂ©moignent de l’écho qu’elles trouvaient dans la population55. 56 Provocateur, Roger Caillois affirma dans les entretiens de 1971 n’avoir jamais parlĂ© espagnol Ă  Bue ... 57 Saint-John Perse, Correspondance avec Roger Caillois 1942-1975, textes rĂ©unis et prĂ©sentĂ©s par JoĂ«l ... 29Il faut enfin Ă©voquer une rĂ©action frĂ©quente chez les Ă©crivains français exilĂ©s tant en AmĂ©rique du Nord qu’en AmĂ©rique latine. Il s’agit de la peur de voir sa langue maternelle contaminĂ©e, en quelque sorte, par la langue dominante du pays d’accueil et le refus, pour certains, de la parler. Jules Supervielle, AndrĂ© Breton, Roger Caillois, le peintre AndrĂ© Masson, par exemple, en tĂ©moignĂšrent Ă  plusieurs reprises56. Il ne s’agit sans doute lĂ  ni d’une incapacitĂ© ni d’une raideur politique mais plutĂŽt, d’une angoisse de crĂ©ateur. Garder sa langue intacte ne peut-il pas ĂȘtre perçu comme un acte de rĂ©sistance ? Ce phĂ©nomĂšne pourrait expliquer en partie le glissement vers le classicisme d’un Caillois grammairien et excessif Ă  cette Ă©poque. Saint-John Perse, fin 1942, lui qui ne connut pas cette difficultĂ©, Ă©crit d’ailleurs Ă  Roger Caillois La langue française [est] pour moi le seul refuge imaginable, l’asile et l’antre par excellence, l’armure et l’arme par excellence57. » 58 Sapiro G., La guerre des Ă©crivains, Paris, Fayard, 1999, p. 640. 59 D’oĂč de sĂ©vĂšres et peut-ĂȘtre jubilatoires rĂ©actions, notamment aux États-Unis, comme celle de Wil ... 30Le retour d’exil, surtout pour les exilĂ©s en AmĂ©rique du Nord, ne fut pas simple mais il fut fructueux. Souvent mal perçus par les rĂ©sistants de l’intĂ©rieur, sauf dans les cas des trĂšs grands noms qui furent d’ailleurs proposĂ©s par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle pour une AcadĂ©mie française rĂ©novĂ©e, comme Georges Bernanos qui refusa et Jules Romains, qui accepta58, beaucoup peinĂšrent Ă  retrouver une place en France oĂč ils rentrĂšrent tous pour la plupart. Roger Caillois, qui n’avait pas l’exclusivisme littĂ©raire de nombre d’intellectuels français d’alors59, fut de ceux-lĂ . Ayant l’AmĂ©rique latine au cƓur, voulant lui prouver sa reconnaissance, il mit son Ă©nergie au service d’un transfert culturel important il se fit, toujours avec l’aide de Victoria Ocampo, passeur de sa littĂ©rature qui bientĂŽt subjugua, tant Ă  l’Unesco que chez Gallimard, avec la collection La Croix du Sud. Il contribua ainsi Ă©galement Ă  l’émergence culturelle, au plan international, des nations nouvelles et Ă  maintenir une certaine place de la France en AmĂ©rique latine, au moment oĂč la langue française s’effaçait du sous-continent. Notes 1 LĂ©vi-Strauss C., Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955 rééd. 1984, p. 22. 2 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, AmĂ©rique, Argentine, dossier 144/1. 3 Au BrĂ©sil comme en Argentine, ces comitĂ©s Ă©taient souvent constituĂ©s de petits employĂ©s, d’artisans, de commerçants CrĂ©mieux-Brilhac La France libre. De l’Appel du 18 juin Ă  la LibĂ©ration, Paris, Gallimard, 1996, p. 258. On comptera en juillet 42, quatorze comitĂ©s locaux de la France libre au BrĂ©sil, trente-neuf au Chili, vingt-quatre en Uruguay et cinquante-quatre en Argentine » Journal Officiel de la France Libre, n° 349, 9 juillet 1942. Selon Jean-Louis CrĂ©mieux-Brilhac, en avril 1941, 50 Ă  60 % des Français d’ñge adulte sont membres du comitĂ© local de Rio et 80 Ă  90 % Ă  Sao Paulo ». Dans cette ville, les Français les plus aisĂ©s forment “la chapelle” qui est un clan marĂ©chaliste ». 4 Voir dans ce volume la contribution de Anfrol M., Les discours et messages du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, chef de la France Libre, Ă  l’AmĂ©rique latine ». 5 Voir dans ce volume la contribution de Belot R., Les comitĂ©s de la France Libre en AmĂ©rique latine pendant la guerre enjeu symbolique, politique et diplomatique ». 6 Voir dans ce volume la contribution de Dumont-Quessard J., La dĂ©faite de 1940 une Ă©tape dans la redĂ©finition des relations culturelles entre la France et les intellectuels latino-amĂ©ricains ». 7 Mauro F., Histoire du BrĂ©sil, Paris, Éditions Chandeigne, 1994, p. 127. 8 Ollivier L’AmĂ©rique du Sud et la France libre », Espoir, n° 114, janvier 1998, p. 11-12. 9 Un journal nazi de langue allemande, Deutscher Morgen, propageait l’hitlĂ©risme. Les manifestations en faveur du parti national-socialiste n’étaient pas rares selon Hauser J., Le ComitĂ© central de Rio de Janeiro », Revue de la France libre, n° 126, juin 1960. 10 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Londres CNF, Argentine 18GMII/323. 11 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Londres CNF, Argentine 18GMII/408 ; Rolland D., Politique, culture et propagande française en Argentine. L’univers de Caillois entre 1939 et 1944 », Roger Caillois, Cahiers de Chronos, Paris, La DiffĂ©rence, 1991, p. 404-442. Voir aussi Felgine O., Le virage amĂ©ricain », Roger Caillois, Cahiers de Chronos, op. cit., p. ; ead., Roger Caillois, Paris, Stock, 1994, p. 219. 12 En 1941 et 1942, le FBI et l’Ambassade amĂ©ricaine, plutĂŽt encline Ă  minorer le phĂ©nomĂšne, estimait Ă  70 % de la colonie les Français libres dĂ©clarĂ©s », citĂ© par Rolland D., Politique, culture et propagande française en Argentine. L’univers de Caillois entre 1939 et 1944 », art. citĂ©, p. 407. 13 Ayerza de Castilho L., Felgine O., Victoria Ocampo, Paris, Criterion, 1990 rééd. numĂ©rique, 2012. 14 Institut national de l’audiovisuel INA, propos de Roger Caillois, Archives du xxe siĂšcle », 18 et 20 juillet 1971 ; Felgine O., Roger Caillois, op. cit., p. 207 et 219. 15 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Argentine, dossier 144/1. 16 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Argentine, dossier 147. 17 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Vichy, Argentine, dossier 144. 18 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Londres CNF, Uruguay, dossier 151. 19 Alfredo Baldomir fut prĂ©sident de 1938 Ă  1943. Le gouvernement de Juan J. AmĂ©zaga 1943-1947 affermit le retour Ă  la dĂ©mocratie. Caetano G., Rilla J., Historia contemporĂ©ana del Uruguay, de la Colonia al Siglo xxi, Montevideo, Claeh, Editorial fin de siglo, 2005, p. 232. Roger Caillois, dans une lettre Ă  Yvette Billod inĂ©dite, collection Catherine Rizea-Caillois datĂ©e du 28 septembre 1940 raconte Ici [en Argentine] les gens ont Ă©tĂ© consternĂ©s par l’avance allemande et il y a tout de mĂȘme des gens qui commencent Ă  vouloir agir. En Uruguay dĂ©jĂ , le mouvement est dĂ©chaĂźnĂ©, avec des manifestations dans les rues etc. Mais l’Uruguay est beaucoup plus francophile que l’Argentine il a dĂ©clarĂ© la guerre Ă  l’Allemagne en 1914. Je crois qu’on peut cependant obtenir des choses intĂ©ressantes. » 20 Paseyro R., Jules Supervielle, le forçat volontaire, Paris, Le Rocher, 1987 rééd. 2002. Voir Collot M. et al. Ă©d., ƒuvres poĂ©tiques complĂštes, Jules Supervielle, Paris, Gallimard, 1996. Dans son poĂšme intitulĂ© France » 1943, issu du recueil PoĂšmes de la France malheureuse mars 1939-juillet 1944, Jules Supervielle Ă©crivait Ô prisonniĂšre, ĂŽ souveraine/Tu nous assoiffes de ta peine/L’Allemand te cache et te boit,/Il veut t’anĂ©antir en soi,/Vois comme il souffle ta chandelle/Pour te cacher ses mains cruelles. » 21 Aron R., MĂ©moires, Paris, Julliard, 1983, p. 141. Sur son Ă©volution quant Ă  l’antisĂ©mitisme, les opinions sont encore parfois controversĂ©es, notons que La France libre, dirigĂ©e par Raymond Aron, publia des textes de Georges Bernanos et que R. Aron, sous le pseudonyme de RenĂ© Avord, donna un texte en mai 1943 intitulĂ© PensĂ©e française en exil. I Le message de Bernanos » dans La France libre, t. VI, n° 31, p. 22-28, repris dans Les Cahiers Bernanos, n° 6, janvier 1996, p. 59-68. Le journaliste et directeur du Monde des Livres Jean Birnbaum, dans le Monde, en dĂ©cembre 2012, Ă©crivait quant Ă  lui RĂ©voltĂ© par les crimes nazis, cet antisĂ©mite de culture rendra hommage Ă  l’hĂ©roĂŻsme des combattants du ghetto de Varsovie. » 22 Bothorel J., Georges Bernanos, le mal-pensant, Paris, Grasset, 1998, p. 319. 23 Bernanos G., Essais et Ă©crits de combat, Paris, Gallimard, coll. La PlĂ©iade », 1971, introduction de Michel EstĂšve, p. 30. 24 Lorsqu’il entendit l’Appel du gĂ©nĂ©ral de Gaulle Ă  la radio brĂ©silienne, Georges Bernanos fut extrĂȘmement Ă©mu. Sa femme pleurait. C’est la seule fois oĂč je l’ai vu aussi Ă©mu et bouleversĂ©. AussitĂŽt, il a cherchĂ© un moyen de parler Ă  la radio, de faire savoir sa position, d’écrire dans la presse », Bernanos TĂ©moignage », Espoir, n° 113, dĂ©cembre 1997, p. 47-53. 25 Bernanos G., Lettre aux Anglais, Rio de Janeiro, L’Arbre, Atlantica editora, 1942, p. 112. 26 Bothorel J., Georges Bernanos, le mal-pensant, op. cit., p. 32-33. 27 Arch. MAE, Londres, dossier Bernanos. 28 Voir la lettre de Georges Bernanos Ă  Virgilio de Mello-Franco. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle m’a cĂąblĂ© [
] pour me demander de collaborer Ă  un journal intitulĂ© La Marseillaise », Bernanos G., Le Combat pour la libertĂ©, Correspondance inĂ©dite, t. II, Paris, Plon, 1971, p. 459-460. Il y donna un article tous les mois Ă  partir du 14 juin 1942 et ce jusqu’en dĂ©cembre 1944. La Marseillaise, hebdomadaire de la France Libre, fut publiĂ© Ă  partir de juin 1942 Ă  Londres. Il Ă©tait dirigĂ© par François Quilici. 29 J’ai aimĂ© le BrĂ©sil pour bien des raisons, mais d’abord et avant tout parce que j’étais nĂ© pour l’aimer. » 30 Carelli M., La rencontre de deux monde Caillois et Bernanos », Cahiers Georges Bernanos, n° 2, janvier 1992. 31 Soupault Ph., Profils perdus, Paris, Mercure de France, 1963, p. 77-78. 32 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Alger, Argentine 18GMII/1094, 18GMII/1292 et 18GMII/1294. 33 Carelli M., La rencontre de deux monde Caillois et Bernanos », art. citĂ©. Plusieurs lettres de Roger Caillois Ă  Georges Bernanos y figurent. Dans celle du 6 juin 1942, Roger Caillois dit Ă  Georges Bernanos Je n’ai rien trouvĂ©, cependant, de plus vrai, de plus juste que votre ouvrage » il s’agit de Lettre aux Anglais. Sur ce sujet, voir Gosselin-Noat M. Ă©d., Bernanos et le BrĂ©sil, Lille, Roman 20-50, 2007, notamment Jurt J., Bernanos au BrĂ©sil et la France libre », p. 11-28. On mentionnera aussi les ouvrages de SĂ©bastien Lapaque. 34 Felgine O., Roger Caillois, op. cit. 35 Il devait impĂ©rativement se marier, du fait des contraintes sociales de l’époque concernant les naissances hors mariage, auxquelles il avait Ă©tĂ© lui-mĂȘme exposĂ© du fait de la naissance illĂ©gitime de son propre pĂšre. 36 Le 3 septembre 1939, il comptait reprendre son poste au lycĂ©e de Beauvais mais ne savait pas s’il allait ĂȘtre mobilisĂ© en Argentine. On ne fera pas partir les Français avant la destruction totale des sous-marins » Ă©crivait-il Ă  Yvette Billod collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. En octobre 1939, selon la mĂȘme source, le trafic des bateaux Ă©tait dangereux et l’ambassade semblait vouloir qu’il demeure en Argentine. 37 Lettre Ă  Yvette Billod, 13 octobre 1939 collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. 38 Lettre Ă  Yvette Billod, 21 octobre 1939 collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. À rapprocher de la lettre de Roger Caillois Ă  Jean Paulhan, 11 novembre 1939, dans Felgine O., Perez Ă©d., Correspondance Jean Paulhan-Roger Caillois, 1934-1967, Paris, Gallimard, coll. Cahiers Jean Paulhan », t. VI, 1991, p. 122-123. 39 Ibid., p. 124-125. 40 Lettre Ă  Yvette Billod collection Catherine Rizea-Caillois. À la mi-dĂ©cembre, il expliquait qu’il avait Ă©tĂ© mis par erreur dans un rĂ©giment d’instruction Ă  AngoulĂȘme ». Comme il ne s’était pas prĂ©sentĂ©, il fut considĂ©rĂ© comme dĂ©serteur. Le 5 janvier 1940, il rĂ©vĂ©lait qu’il devait rentrer en France pour rejoindre AngoulĂȘme le consul a reçu sur moi un ordre de route » et devait partir le 29. Il exprimait son peu de goĂ»t pour cela, du fait des ennuis militaires qui l’attendaient. Le 10 janvier, aprĂšs avoir confiĂ© Ă  l’ambassadeur Peyrouton qu’il prĂ©fĂ©rerait rester, il se disait prĂȘt Ă  partir. Mais il avouait que s’il quittait l’Argentine, l’animeraient le regret de n’avoir pas Ă©puisĂ© l’AmĂ©rique, la peur de n’ĂȘtre lĂ -bas libre ni matĂ©riellement ni intellectuellement [et un] sentiment plus difficile Ă  dĂ©finir, un peu celui qui dans La Montagne magique fait que les gens se trouvent bien au sanatorium et ne comprennent plus le pays plat ». 41 Lettre Ă  Yvette Billod collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. À partir de juillet 1940, il attendit la venue de sa future femme en Argentine. Il fut souvent sans nouvelles d’elle ni de ses parents. Il restait Ă  l’ambassade exclusivement » pour qu’elle vienne plus facilement sans quoi je me serai dĂ©jĂ  mis plus que par un coup de tĂ©lĂ©phone Ă  la disposition des Anglais ». Il envisageait cependant encore de rentrer pour se marier mais, disait-il, s’il s’installe un rĂ©gime philippĂ©en, je ne m’en sens pas le courage et le goĂ»t ». 42 Felgine O., Roger Caillois, op. cit. 43 MĂ©diathĂšque Valery Larbaud MVL, fonds Caillois, lettre d’Étiemble Ă  Roger Caillois. 44 MVL, fonds Caillois, lettres de Raymond Aron Ă  Roger Caillois. 45 Felgine O., Roger Caillois, op. cit. 46 Arch. MAE, Guerre 1939-1945, Alger CFLN, Argentine, 1292, rapport d’Henri Seyrig. 47 Ibid. 48 Paseyro R., Jules Supervielle, le forçat volontaire, op. cit., p. 193. 49 Soupault Ph., Profils perdus, op. cit. ; Mousli B., Philippe Soupault, Paris, Flammarion, 2010, p. 371. 50 Loyer E., Paris Ă  New York. Intellectuels et artistes français en exil 1940-1947, Paris, Grasset, 2005, p. 99. 51 MVL, fonds Caillois, lettres de Claude LĂ©vi-Strauss Ă  Roger Caillois. 52 MVL, fonds Caillois, lettre d’Henri Seyrig Ă  Roger Caillois, 17 aoĂ»t 1943 Je me suis remuĂ© de toutes parts, j’ai causĂ© avec les gens de l’Ecole Libre, avec Ascoli, avec Peyre. De tout cela, rien n’est sorti. » 53 Rolland D., Vichy et la France libre au Mexique guerre, cultures et propagande pendant la Seconde Guerre Mondiale, Paris, L’Harmattan, 1999. 54 MVL, fonds Caillois, lettre d’Agustin Ruano Fournier Ă  Roger Caillois, 7 octobre 1940 Je prĂ©fĂšre que ce soit une confĂ©rence sur la position de la jeunesse en face du totalitarisme ou son rĂŽle Ă  l’heure actuelle » inĂ©dit. 55 MVL, fonds Caillois, lettre de Sara Rey-Alvarez Ă  Roger Caillois, 7 novembre 1940. Ce professeur de philosophie lui Ă©crit notamment Je garderai surtout un impĂ©rissable souvenir de celle que vous avez prononcĂ©e sous les auspices du ComitĂ© pro-Francia Libre, car elle a eu le pouvoir de raffermir en moi-mĂȘme l’espoir dans le relĂšvement de la France Ă©ternelle sans laquelle notre monde occidental sombrerait bientĂŽt dans l’inanition et les tĂ©nĂšbres spirituelles » inĂ©dit. 56 Provocateur, Roger Caillois affirma dans les entretiens de 1971 n’avoir jamais parlĂ© espagnol Ă  Buenos Aires. Voir Felgine O., Roger Caillois, op. cit., p. 211. En fait, sa fille Catherine se souvient qu’il parlait couramment espagnol mais avec un mauvais accent novembre 2012. Il Ă©crivait Ă  Yvette Billod, le 3 avril 1940 Pour l’espagnol, je suis aussi ignorant que vous de la grammaire, mais j’arrive Ă  parler Ă  force d’entendre parler. Au bout de quelques mois, cela va assez bien. Mais naturellement, j’aurais Ă©tĂ© beaucoup plus vite si je m’étais mis en mĂȘme temps Ă  apprendre la grammaire. Mais elle est tellement semblable Ă  la grammaire latine qu’on a l’impression qu’on le sait, surtout pour les conjugaisons » collection Catherine Rizea-Caillois, inĂ©dit. Jules Supervielle, qui se voulait avant tout poĂšte français, craignait, lui, selon son gendre, que l’usage quotidien [de la langue espagnole ne] gĂąte son français » Paseyro R., Jules Supervielle, le forçat volontaire, op. cit., p. 186 et confiait J’ai toujours dĂ©libĂ©rĂ©ment fermĂ© Ă  l’espagnol mes portes secrĂštes, celles qui s’ouvrent sur la pensĂ©e, l’expression et, disons, l’ñme. Si jamais il m’arrive de penser en espagnol, ce n’est que par courtes bouffĂ©es. » 57 Saint-John Perse, Correspondance avec Roger Caillois 1942-1975, textes rĂ©unis et prĂ©sentĂ©s par JoĂ«lle Gardes Tamine, Paris, Gallimard, 1996, p. 62. 58 Sapiro G., La guerre des Ă©crivains, Paris, Fayard, 1999, p. 640. 59 D’oĂč de sĂ©vĂšres et peut-ĂȘtre jubilatoires rĂ©actions, notamment aux États-Unis, comme celle de William Phillips, citĂ©e par Loyer E., Paris Ă  New York, op. cit., p. 366, Ă  propos de Simone de Beauvoir, de passage dans le pays À certains Ă©gards, son ignorance de la littĂ©rature amĂ©ricaine reflĂ©tait le provincialisme et le chauvinisme des Français qui regardaient le reste du monde comme une colonie intellectuelle de la France. »

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